Les musiques gyrophoniques

SCÉNOGRAPHIE DE CONCERT


Les musiques gyrophoniques

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extrait sonore

musiques : Philippe Doray et Laurence Garcette

dispositifs sonores et scénographiques : François Duconseille et Philippe Doray


Le projet des musiques gyrophoniques s’est développé à partir de l’installation  « Cacophonie tribale » de François Duconseille (musique Philippe Doray) présentée à la XIIème Biennale de Paris en 1982 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Par la suite Philippe Doray et Laurence Garcette ont développé le système et produit de nombreux concert dans des scénographies différentes de François Duconseille.


Période 1 (1982/86)
née avec la pièce fondatrice Cacophonie tribale, créée par François Duconseille et mise en musique par Philippe Doray pour le Musée d’Art moderne de Paris. Viennent ensuite les premiers développements du système mis à l’uvre dans Cacophonie tribale, un dialogue entre deux cercles de haut-parleurs, dont l’un est mobile.
Les diverses pièces créées lors de cette période sont toutes de nature électroacoustique, les rares représentations publiques, où l’improvisation est prépondérante, procèdent de ce que les Anglo-Saxons appellent performance.

Période 2 (1987/91)
Le paysage technique et conceptuel change avec l’apport de Laurence Garcette : l’ensemble des pièces devient électronique et exactement reproductible (programmation informatique). Si l’improvisation demeure, elle n’est plus dans la structure des pièces, mais s’y superpose (saxophones, flûtes, guitares électriques). Bien que créée pour un espace sonore circulaire, la musique peut encore être reproduite, plus ou moins fidèlement, dans un espace stéréophonique (CD Période 2, Mélodie).

Période 3 (1991/96)
Avec le Concert permanent, le mode de composition se transforme. Tout le rapport phrasé/harmonie de l’écriture est remis en question au bénéfice de l’espace sonore. L’auditeur n’est plus invité à entendre un discours musical structuré par la phrase, le motif mélodique ou rythmique, mais à s’immerger dans un espace sonore instable où les motifs sonores se mettent à jouer de son attention, et différemment en fonction de l’espace, du mouvement et du temps (endroit d’où l’on écoute, déplacement de l’auditeur, durée d’audition, tous librement choisis). Avec la Période 3, la salle de concert n’est plus le lieu de la musique. La Gyrophonie s’entend en plein air, au cur de la ville, et admet le bruit urbain et mécanique, non pas comme un vocabulaire bruitiste, mais comme un contexte nécessaire (le mur qui supporte la toile, pour décrire analogiquement le principe). Avec la Période 3, tout enregistrement devient impossible, à moins qu’il ne s’agisse d’un simple reportage; c’est la reproduction qui devient inimaginable.

Depuis 1997 …
Avec divers projets de commande écrits pour des espaces sonores spécifiques, la relation entre écriture et espace évolue. Le système gyrophonique seul ne peut suffire à maîtriser les lieux complexes dans lesquels il est appelé à se faire entendre; mais il peut s’y inscrire et y apporter sa rationalité, sa géométricité pourrait-on dire : le rapport circulaire créé par la Gyrophonie devient la référence centrale à partir de laquelle construire de nouvelles perspectives sonores.

Deux Résidences d’artiste en région Haute-Normandie, vont permettre de développer, concrètement, ces espaces complexes.
Dès la première, dans la ferme historique de Haute-Crémonville (1997/98) en faisant sonner toute une architecture (dedans/dehors), mais en maintenant le contrepoint gyrophonique au cur de l’écriture, les Gyrophonies sont parvenues à créer de nouvelles émotions sonores pour des auditeurs en mouvement.

Avec les Mobiles sonores (été 1999, dans le parc du château d’Oissel), l’espace musical devient plus complexe encore, sans recours possible à l’espace architectural clos, mais avec les distances et le temps de la promenade. Il se développe de dimanche en dimanche, chaque fragment de temps et d’espace concourant à la scénographie finale du concert nocturne de plein air.

Technologie et musique

L’aspect technique n’est pas le plus important, mais est loin d’être négligeable car, pour créer les conditions acoustiques optimales d’espaces musicaux et sonores nouveaux, l’imagination et la technicité des ingénieurs sont mises à contribution. De même les instruments couramment utilisés sont ceux de la lutherie contemporaine, synthèse, ordinateurs, électro-amplification. Toutefois il faut souligner que certaines de ces données sont à peine perceptibles par l’auditeur, tant reste discrète la régie. Le seul élément technologique incontournable est évidemment la machine gyrophonique, mais sa fonction est plutôt perçue comme totémique*.
Dans l’univers de la science-fiction, c’est la fiction qui l’emporte; de même, dans la gyrophonie, la géométrie de l’aluminium compte moins que l’évocation d’un primitivisme magique, tribal, lieu de la communication avec les forces transcendantales, la matière même de la musique et de la danse.
La Gyrophonie peut être aussi cela : l’auditeur qui se met à danser librement autour du totem, le musicien de passage qui sort son instrument et dialogue avec la machine. A ce moment, la technique est balayée au profit du corps, de la fascination, voire de la transe. Il y a, nichés dans les durées aléatoires et la vacance des espaces, des moments d’extrême intensité, spontanés ou prévus (l’heure annoncée du concert).


« Les percussions sacrées »

pièce en projet de Laurence Garcette,

pour carillons et tambours et

dispositif gyrophonique conçu par Philippe Doray et François Duconseille

Les Percussions sacrées mettent en son, au-delà de l’espace gyrophonique, l’ensemble d’une cité. Les particularités de l’espace gyrophonique, habituellement concentrique, sont un peu mises à mal par cette pièce, mais c’est à cet élargissement qu’elle doit son caractère urbain un peu particulier. Écrits pour carillons, les modules libres des Percussions sacrées sont destinés à être exécutés simultanément du haut de plusieurs clochers. Là où les clochers ne sont plus équipés de carillons, les modules y seront produits par synthèse sonore et diffusés par amplification électrique. Les modules libres des Percussions sacrées utilisent le caractère aléatoire des structures rythmiques campanaires pour faire résonner la ville entière, le temps d’une installation sonore, autour du dispositif gyrophonique.

Cette installation sonore aura pour caractéristique de disperser dans toute la ville, voire dans l’agglomération, les éléments sonores autonomes d’un ensemble cohérent. Cette installation pourra durer la journée entière.

Un cercle de 30 à 50m de diamètre sera le lieu de l’espace gyrophonique, où sera donnée, éventuellement plusieurs fois dans la même journée, la pièce en concert (1h maximum), ponctuant de temps forts l’installation sonore permanente. Cette pièce en concert mettra en œuvre, outre le système gyrophonique lui-même, plusieurs groupes de percussionnistes (non-amplifiés à priori) disposés autour des auditeurs (selon le schéma joint). Au centre de l’espace gyrophonique, au pied de la machine, des solistes seront appelés à improviser sur les structures de la pièce, soutenus par les groupes de percussionnistes alentour. Le mélange des timbres des carillons et des membranes animales, végétales ou métalliques des percussions, donnera à entendre qu’en tous les points du globe, l’homme eut l’idée de faire résonner la matière pour en faire jaillir la musique. Nul doute que la percussion fut d’abord un acte sacré.

Les modules libres carillonnés continueront de sonner pendant le concert depuis les clochers les plus proches, ajoutant des effets de profondeur et de décalage. Une partie des formules entendues dans l’espace gyrophonique sera en outre rediffusée en différents points de la ville, en sorte qu’en tous points de l’espace urbain la musique impose sa présence, le temps d’une journée. Les perspectives d’écoute en différeront évidemment selon le lieu où l’on se trouve, mais toutes participeront d’une vaste polyphonie concentrique. C’est en effet en approchant de l’espace gyrophonique, puis en s’y intégrant, que l’auditeur percevra la complémentarité des formules sonores dispersées dans l’espace. La gyrophonie donnera ainsi toute la mesure de sa puissance intégratrice des goûts et des cultures, par le biais d’un jeu sonore qui s’adresse aux facultés d’attention et d’étonnement de l’auditeur.


« Mobiles sonores » Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette (Paris), 2000

variation pour synthétiseurs, guitares électriques, hautbois et dispositif gyrophonique

Stéphane Bonnet, Christophe Pélissié et Christian Rosset, guitares, Hélène Gueuret, hautbois

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« Mobiles sonores dans un jardin Français » Château de Oissel, 1999

variation pour synthétiseurs, guitares électriques, hautbois et dispositif gyrophonique

Stéphane Bonnet, Christophe Pélissié et Christian Rosset, guitares, Hélène Gueuret, hautbois

Oeuvre collective, sous la direction de Laurence Garcette

Scénographie de François Duconseille et Philippe Doray

Vidéo de François Duconseille

Oeuvre musicale dans un espace scénographique complexe, les Mobiles sonores ont utilisé les caractéristiques du lieu de leur création (Parc du Château d’Oissel) pour se constituer en champ d’expérimentation de nouvelles formes de spatialisation et des modifications que ces formes nouvelles impliquent dans l’écriture musicale. La création de l’œuvre a pris aussi en considération les conditions de sa reproduction en d’autres lieux scéniques, ou sur supports artificiels.

Les Mobiles sonores sont donc écrits pour un dispositif scénographique spécifique conçu par François Duconseille et Philippe Doray. La disposition du système de haut-parleurs permet de créer des reliefs sonores nouveaux. Ces reliefs sonores sont particulièrement spectaculaires en plein air, lieu idéal de diffusion de la pièce*. L’illusion que des « mobiles sonores » apparaissent et se déplacent crée les reliefs d’un paysage sonore tridimensionnel. Le système de haut-parleurs est distribué sur 3 niveaux : Haut, Milieu et Lointain.

Haut et Lointain créent des effets concentriques de distance et peuvent aller jusqu’à mêler à la partition des sources exogènes (bruitages divers, notamment bruits environnementaux réamplifiés). Milieu renforce, autour du système gyrophonique habituel (diffusion excentrique/concentrique), l’impression d’immersion dans la matière sonore organisée par la rotation hypnotique de la machine gyrophonique.

La partition, outre une partie électronique dont l’écriture utilise toutes les possibilités d’un tel dispositif, est ouverte à l’apport de quatre interprètes : contraste entre la variété de timbres des guitares électriques et le chant monophonique du hautbois. Ces interprètes sont disposés dans l’espace scénique afin de renforcer l’impression de localisation de leur partition. La pièce elle-même (environ 1h 15) est une variation constituée de près d’une vingtaine de mouvements, de durée comprise entre 1 et 10 minutes, réunissant parfois les 4 instrumentistes, mais le plus souvent organisés autour d’une intervention soliste, éventuellement accompagnée. Cette personnalisation des mouvements donne aux auditeurs la référence évidente dont ils ont besoin pour mieux apprécier, par contraste, le caractère imprévisible des divers événements sonores qui les environnent.

La matière sonore est « mobile », comme l’indique le titre. L’impossibilité de déterminer à l’avance le lieu d’où proviennent les éléments sonores entretient la vigilance de l’auditeur. Ses facultés perceptives et émotives en sont comme décuplées, les barrières culturelles dissoutes au profit d’une esthétique de l’immédiateté.

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« La cinquième saison », Théâtre de Nesle (Paris) 1997

composition de Laurence Garcette pour le dispositif gyrophonique

conçu par Philippe Doray et François Duconseille

L’écriture de la pièce s’accommode de toutes les acoustiques, même très réverbérantes.

La Cinquième Saison est une aventure et son paysage, un jeu du temps et de l’espace, un dérèglement des principes établis dans le monde de la production audiovisuelle, une œuvre de « rêveurs éveillés », selon la formule chère à Gaston Bachelard.

Version installation

La Gyrophonie renoue avec la dimension transdisciplinaire de ses débuts, orientée vers la fusion des sens.

De l’opposition à la complémentarité de l’œil et de l’oreille (M. Mac Luhan), les sens avec lesquels on communique à distance (voir et entendre sont souvent utilisés au sens de comprendre), la Cinquième Saison veut explorer jusqu’à la fusion indissociable des perceptions dans un seul et même espace esthétique.

Considérée ainsi, la Cinquième Saison est avant tout écrite pour être entendue comme « installation sonore » permanente diffusée automatiquement (ordinateurs, prototypes; durée 2h, puis mise en boucle) dans un espace public.

Un spectacle entièrement automatique. Un spectacle vivant sans interprète. Une œuvre audiovisuelle, unique en son genre, en 3 dimensions.

Version concert

pour dispositif gyrophonique, programmation et solistes

interprétée par

Stéphane Bonnet (guitare, harmonicas) et Christophe Pélissié (guitare)

Paysage sonore en apesanteur composé pour une lutherie contemporaine (synthétiseurs, guitares électriques), la Cinquième Saison donne du temps et de l’espace, une mesure qui lui est propre. Sa construction modulaire à 4 voix dessine peu à peu, sur le mode méditatif, un ciel sonore en perpétuelle mutation dans lequel les guitaristes, sculpteurs de nuages, évoluent librement.

Adapter le phrasé humain à une œuvre foncièrement abstraite (abstraite de tout discours dramatique, entièrement occupée de la variation infinie) passe par une phase d’enregistrement (en cours actuellement), nécessaire avant toute recréation en public.


« Installation sonore avec fils », Thomson CSF, 1996


« Le grand géant », Moulin d’Andé, 1995
pièce en 5 quarts d’heure

composition de Laurence Garcette

pour le dispositif gyrophonique
conçu par Philippe Doray et François Duconseille

création interprétée par
Stéphane Bonnet (guitare, harmonica) et Christophe Pélissié (guitare)

Le Grand Géant est une aventure, une histoire et un jeu. Une aventure audacieuse qui est de composer, pour un dispositif sonore original, des formes musicales jouant à annuler le temps par concentration de l’espace. Une histoire sans parole et sans récit, évoluant comme un rêve dans des boîtes à musiques plus ou moins détraquées, une fugue dans un entre-deux mondes où résonnent à l’infini les voix délicieuses et terrifiantes des rondes enfantines. Le jeu enfin, qui est partout. Dans l’espace sonore où sont redistribuées les règles de la comptine. Dans la perception du temps, égaré dans les volutes d’une sorte de  » palais de glaces  » sonore. Dans l’interprétation des musiciens surtout, qui inscrivent un discours instrumental au creux des chants mécaniques de la sculpture sonore proposée par le compositeur. Une musique inclassable, où guitares électriques, synthétiseurs et composition programmée font entendre qu’est contemporaine, avant toute définition de style, la musique des instruments contemporains. Le Grand Géant devient un dialogue homme/machine. Les musiciens explorent toutes les possibilités de leur instrument, donnent libre cours à leur imagination. C’est une rencontre contrastée entre les structures composées et le jeu sensuel, partiellement improvisé, de deux virtuoses dans les espaces de liberté laissés par uneécriture nouvelle du temps musical. Du point de vue spectaculaire, le Grand Géant a pour particularité d’installer ses trois interprètes (les guitaristes et la machine gyrophonique) au centre de l’espace, au milieu des auditeurs. Les auditeurs sont eux-mêmes entourés par le dispositif sonore concentrique nécessaire au dialogue gyrophonique. Cette pièce ne peut donc être donnée là où les fauteuils sont fixes, mais elle s’accommode de tous les types de sièges (qui sont dès lors intégrés à la scénographie) et de tous les lieux, y compris de plein air, susceptibles d’accueillir un dispositif concentrique.

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« Le grand géant », Exo 7 (Rouen), 1995

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« Le concert permanent », Grande Halle de la Villette (Paris) 1991
Installation sonore gyrophonique permanente à l’occasion des manifestations du centenaire d’Arthur Rimbaud

composition de Laurence Garcette pour le dispositif gyrophonique

conçu par Philippe Doray et François Duconseille

Le Concert permanent, qui donne à entendre diverses compositions gyrophoniques, doit être compris comme une structure sonore durable sinon infinie, selon un programme variant avec les conditions (temps et espace) des lieux d’accueil de l’installation sonore. Un tel dispositif n’implique pas de définition de style musical, dès lors que l’écriture particulière des pièces intègre les règles d’un jeu où la position de la ou des sources peut circuler dans un espace ouvert à 360°. Le Concert permanent peut ainsi intégrer toutes les cultures musicales et ne s’adresse pas à un public particulier. Avec le nécessaire retour cyclique des motifs, les compositions gyrophoniques empruntent évidemment aux modes répétitifs, mais pour s’en éloigner plutôt que pour s’y installer, pour s’en dégager avec la durée, insensiblement ou plus ou moins brutalement selon les pièces. Le Concert permanent, ainsi que chaque pièce gyrophonique prise séparément, ouvre l’espace et le temps à de nouvelles façons d’organiser les sons entre eux, et à une nouvelle façon d’entendre. L’intervention spontanée de musiciens en direct venant improviser sur les structures musicales proposées est favorisée par la scénographie.


Festival du Fiumorbe, Corse

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« Cacophonie tribale », La grande serre (Rouen) 1983

présentation à la galerie de la Grande Serre, lieu créé par Anne De Villepoix et Laurent Joubert


« Cacophonie tribale », Centre Marc Sangnier (Mont St Aignan) 1983

 

 


« Cacophonie tribale », XIIème Biennale de Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1982


Études d’installations spécifiques :

« La mine bleue », projet d’aménagement dans l’espace d’une mine d’ardoise d’un parcours scénographié, musical et technologique, Noyant-la-Gravoyère, 1993

« Du bleu dans l’eau », projet d’aménagements sonores en espaces publics, Cran-Gevrier, 1995

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